Mon bébé,
Voici déjà neuf ans que tu apparaissais dans ma vie. J’ai l’impression que c’était hier, qu’on me mettait ce petit bébé chevelu sur ma poitrine. Hier que tu es sorti en hurlant, les bras et les jambes tendues.. déjà là tu avais du courage à revendre.
Tu n’as jamais été un petit garçon comme les autres. Bonne ou mauvaise chose, je ne sais pas trop, ce que je sais c’est que tes différences font de toi un être tout particulier. Un être qui m’épate et qui m’étonne depuis toujours. Tu n’es jamais rentré dans le moule et je sais que ça n’est pas toujours facile. C’est dur d’être si petit et de se poser autant de questions sur le monde qui nous entoure. Ton cerveau a toujours fonctionné trop vite, à tel point que parfois tu ne sais plus former de phrases. Tu vois la vie d’une manière complètement unique, à ton image. Tu apportes tellement aux gens, par tes connaissances, ton envie de partage, d’avancer en entraînant les autres avec toi.
Je ne te met pas sur un piédestal, loin de là. Tu es aussi un petit garçon trop plein d’énergie qui me fatigue parfois. Avec ton cerveau particulier, tu te focalises parfois sur des choses pendant des semaines, des semaines où Luca, papa et moi avons envie de nous tirer les cheveux à force de t’entendre dire les mêmes choses ou parler des mêmes sujets. Tu as du mal dans les relations aussi, mais ça ce n’est pas entièrement ta faute. Les rapports avec le monde extérieur sont compliqués mais je sais que tu veux avant tout le bien de tout le monde. Tu donnerais ton cœur aux gens que tu aimes.
Tu es un petit être tellement sensible, sensible aux moindres petits changements. Tu détestes quand les choses ne sont pas telles qu’elles devraient être au point où ça peut te rendre incroyablement triste. J’aime cette sensibilité en toi. J’aime aussi ton envie de tout savoir et de tout connaître, j’aime ton besoin d’aller dans toutes sortes de voies différentes, j’aime te voir toucher à tout, j’aime te voir faire du judo, te voir couvert de boue mais tellement heureux en revenant des scouts, j’aime te voir sautillant en revenant de tes cours de théâtre. J’aime ton envie d’être chanteur, astronaute, docteur, ingénieur, youtubeur.. Certains diront que c’est s’éparpiller, pour moi c’est découvrir le monde sous tous ses côtés.
Le destin est méchant mon amour. Quand papa et moi avons su que tu allais nous rejoindre, j’ai éprouvé la plus grande émotion jamais ressentie jusqu’alors. Tu as été mon plus grand bonheur (avec ton petit frère et ton papa bien sûr) mais je ne pensais pas qu’un jour la malchance viendrait faire de toi l’objet de ma plus grande peine et ma plus grande peur.
J’ai cru que tu allais mourir mon poussin. Je sais que tu ne t’en rends pas encore compte, que tu as traversé tout ça avec la naïveté et le courage d’un enfant mais c’est ce qu’il s’est passé, pour du vrai. J’ai entendu les médecins et tout à coup j’ai imaginé la vie sans toi et j’ai su que je ne voulais pas de cette vie, que ce n’était juste pas possible. Mon cœur s’est éparpillé en millions de petits morceaux ce jour-là et depuis j’essaye de les recoller un petit peu chaque jour. Te voir en pleine forme m’aide petit à petit mais il faudra du temps pour que la peur s’éloigne et cesse de m’étreindre de ses bras glacés. Du temps aussi pour oublier la douleur dans tes yeux, tes petites mains crispées dans les miennes, tremblantes de peur, les nuits seules blotties contre ton petit frère pour oublier ton absence, ces trajets interminables en voiture à pleurer contre l’injustice de ce monde.
Tu as été le plus fort de tous les petits garçons que je connaisse et tu l’es encore. Tu as combattu le sourire aux lèvres, supportant la douleur, la peur, l’attente et la solitude sans jamais fléchir. Tu as traversé tout ça en nous soutenant malgré toi, en restant toi-même. Tu nous as épaté par ta force, en retournant à l’école après tout ça quelques jours à peine après ta sortie de l’hôpital. Tu as bravé le regard des gens et des enfants un peu perdus face à ton petit crâne tout chauve et à ton teint un peu blafard, toi qui n’avais pas vu la lumière du jour en face – ou presque – depuis des mois. Malgré tes blessures – physiques et mentales – tu as tout recommencé, sport, activité, tu n’as eu peur de rien. Tu avais décidé que ce cancer n’aurait pas la main sur toi ni sur ces habitudes que tu aimes tant et tu l’as défié de tout ton petit être. Quel courage..
Mon tout-petit, j’aurais donné ma vie pour que tu n’aies jamais à souffrir. J’ai voulu mourir en imaginant une vie sans toi. Heureusement tu as été le plus fort. L’univers savait qu’il ne pouvait pas raté un petit d’homme comme toi. Je sais au plus profond de moi que tu seras un homme à l’image de l’enfant que tu es maintenant: courageux, généreux, honnête et bouleversant tout sur son passage.
Tu n’es pas un petit garçon comme les autres mon amour. Tu es un combattant, un guerrier, un survivant. Que ta vie soit douce à présent, tu as vécu assez d’épreuves pour toujours. Faisons place à la joie, à l’espoir, au futur, à tes rêves, à tout ce que tu accompliras sur terre, peu importe ce que tu décideras. Ta maman sera toujours près de toi à te tenir la main, comme chaque jour durant ta maladie.
Bon anniversaire mon tout doux. Tu as neuf ans aujourd’hui, que l’univers te laisse vivre enfin ta vie d’enfant.
Je t’aime jusqu’à Pluton, jusqu’à l’infini et l’au-delà, plus fort que la lune et plus grand que l’univers.